Le legs de la civilisation égyptienne

Dans l’imaginaire collectif, l’Égypte antique c’est un retour 5000 ans en arrière, des histoires de Pharaon, de papyrus et de pyramides. On serait pourtant surpris de saisir l’impact que cette civilisation a eu sur les suivantes. Le caractère le plus remarquable de l’Égypte ancienne est sa prodigieuse continuité : finalement, elle ne s’est jamais vraiment éteinte. Passionné par ce phénomène, Guy Immega, ingénieur en aérospatial et entrepreneur à la retraite, animera le 21 mars une conférence sur le thème Ancient Egypt in the Modern World à l’Alliance for Arts and Culture de Vancouver.

C’est lors d’un voyage de travail effectué entre 1966 et 1968 à Nguigmi, dans la région de Diffa, au sud-est du Niger, que Guy Immega a noté des similitudes entre les Egyptiens anciens et un peuple vivant autour du Lac Tchad. Alors âgé de 21 ans, il travaillait pour Les Corps de la Paix dans le cadre d’une campagne de vaccination contre la variole. Pendant son séjour, il a rencontré la communauté boudouma dont il va observer le mode de vie, la culture, les pratiques et apprendre l’histoire. En évoquant ses souvenirs, Guy Immega souligne que « les Boudoumas étaient des gens spéciaux ».

Fasciné par leur génie, il a étudié l’impact de la civilisation égyptienne sur d’autres cultures et notre société actuelle.

Descendants d’Egypte

Selon Guy Immega, « la culture boudouma est très liée à la civilisation de l’Egypte antique de par sa culture, sa langue, ses arts et sa musique ». Pour mémoire,

« les Egyptiens anciens ont créé la civilisation autour de la Vallée du Nil avec les moyens dont ils disposaient au même titre que les Boudoumas ont développé un mode de vie semblable autour du Lac Tchad ». Par exemple, les Boudoumas construisent des pirogues avec du bois léger extrait de la végétation qui ressemblent aux pirogues égyptiennes faites à base de papyrus.

Dans le domaine musical, les rythmes adoptés et les instruments utilisés comme la kora ou la harpe Biram, identique à celle créée dans la Vallée du Nil il y a plus de 3000 ans, confirment leur proximité avec les Egyptiens anciens. Ces derniers étant aussi réputés être d’habiles pêcheurs, la pêche du capitaine (un poisson légendaire) rappelle leur souvenir. Sur le plan artistique, l’art boudouma, par la réalisation des masques et d’autres œuvres d’art, s’inspirerait du génie égyptien.

Ce qui fait par ailleurs la particularité du peuple boudouma dans le Lac Tchad, c’est sa capacité à dompter son environnement mieux que les autres tribus locales. D’après Guy Immega, « ils étaient de redoutables guerriers et restaient les maîtres des lieux .»

Il voit également un lien linguistique entre l’égyptien ancien et la langue parlée par les Boudoumas au point d’assurer que le yédina plonge ses racines dans l’égyptien ancien ». Aujourd’hui, à cause de l’assèchement du Lac Tchad qui était le domaine d’évolution du peuple boudouma, les populations sont contraintes de se déplacer vers des pays voisins comme le Cameroun, le Tchad ou le Nigeria, au risque de perdre leur langue et leur identité. Pour décrire la situation, l’ancien ingénieur en aérospatial parle de « peuple en voie d’extinction ».

Influence sur le monde moderne

Le cas du peuple boudouma est un exemple parmi tant d’autres. L’Egypte antique provenant de la civilisation nubienne aurait certainement influencé bien d’autres cultures dans le monde. Si l’on en croit Guy Immega, le reste du continent africain serait lié à l’Egypte antique de par « ses institutions politiques traditionnelles et la culture en général ». « Des idéologues ont tenté de séparer l’Afrique de l’Egypte, mais il est important que l’on sache que c’est une seule et même civilisation », insiste Guy Immega, considérant que l’Egypte est la première manifestation culturelle sur le continent africain. Mais pas seulement : en considérant que la civilisation égyptienne créée dans la Vallée du Nil demeure la «première que l’humanité ait connu», l’admirateur de la culture boudouma se demande si

« l’Afrique via l’Egypte n’aurait pas frayé la voie à d‘autres civilisations nées bien après : la Mésopotamie, la Grèce, la Rome Latine», évoque-t-il. C’est peut-être pourquoi certains aspects pratiques et symboliques de la civilisation égyptienne persistent de nos jours. Philosophie, médecine, techniques et sciences, théologie…ces disciplines fondatrices viendraient toutes, en droite ligne, des 3000 ans d’histoire de la civilisation égyptienne. Dans la vie quotidienne comme dans les fondements religieux et philosophiques les plus essentiels de notre société actuelle, l’héritage unique et insoupçonné de l’Égypte ancienne aurait façonné la culture occidentale. Un lien surprenant, presque paradoxal pour la ville de Vancouver dont l’histoire est très récente.

Ancient Egypt in the Modern World – The Case of the Buduma People

Guy Immega, avec le concours de la Society for the Study of Egyptian Antiquities

21 mars 2013, 21h

Alliance for Arts and Culture

100-938 Howe Street, Vancouver

Entrée gratuite pour les membres de la SSEA, public 5$