L’esprit mal tourné

Nous voilà donc en février 2024, mois de la marmotte. A priori rien de surprenant à cela. Chaque année depuis Jules César, qui en avait fait toute une salade, février, fidèle à son poste, nous apparaît tous les douze mois. Une routine à laquelle nous nous sommes faits.

Ce mois de février toutefois nous réserve une surprise. Puisque 2024 peut être divisible par quatre j’en ai conclu, avec l’aide d’une amie mathématicienne dont je tairai le nom, que nous sommes en pleine année bissextile. Et alors ? allez-vous me dire. Alors, vais-je vous répondre de manière savante, instructive et proverbiale : « En vérité je vous le dis, février cette année aura un jour de plus. De 28 jours le mois passera à 29 jours sans coup férir ». Vous conviendrez, non sans tristesse si ce début d’année accompagné de tous ses conflits sans fin ne vous sied pas, qu’un jour de plus c’est un jour de trop.

Nous héritons donc d’une journée supplémentaire afin de combler les lacunes du temps. Si cet ajout fait le malheur des uns, en revanche il peut faire le bonheur des autres. Février, ainsi, mois consacré à l’histoire des Noirs, obtient un jour de célébration supplémentaire. D’où mon annuelle question : pourquoi avoir choisi de célébrer l’histoire des Noirs en février le mois le plus court de l’année ? La foule rassemblée autour de moi, fascinée par la question, exige une explication.

Au beau milieu du mois de février, immédiatement après la Saint-Valentin, vous trouverez, en cherchant bien, la journée dédiée au drapeau national canadien.

C’est en pensant à l’anniversaire D’Abraham Lincoln (12 février), premier président républicain qui fit ratifier le XIIIe amendement de la constitution abolissant l’esclavage aux États-Unis, et à celui de Frederick Douglass (14 février), ancien esclave devenu le plus important leader du mouvement pour les droits civils des Afro-Américains au XIXe siècle, que nous devons le choix de ce mois. A priori cela me paraît raisonnable si je ne prends pas en considération les partisans de la rectitude politique qui ne perçoivent plus en Lincoln un modèle à suivre. Une fois déchu de son piédestal, si jamais la Cancel culture devait l’emporter, il serait alors possible de déplacer le mois de l’histoire des Noirs de février à juin. Je ne serais pas contre. Après tout une journée de plus en été plutôt qu’en hiver n’est pas pour me déplaire.

Février c’est aussi le mois de la Saint-Valentin. Il s’agit ici peut-être d’une coïncidence mais, vu mon esprit toujours mal placé, je constate avec consternation, au nom de la nation, la présence insolente du mot sex (épelé en anglais), au beau milieu de bissextile. Cela ne m’offusque pas outre mesure mais, connaissant la pudeur légendaire anglo-saxonne (ou sexonne ?), je suis un tant soit peu surpris de ne voir, au nom du puritanisme ancestral, aucune levée de bouclier. Personne j’imagine ne s’est rendu compte, pour le moment, de ce faux pas de la décence morale, de ce croc-en-jambe à la vertu.

Au beau milieu du mois de février, immédiatement après la Saint-Valentin, vous trouverez, en cherchant bien, la journée dédiée au drapeau national canadien. Sans vouloir être mauvaise langue, je me demande si Madame Danielle Smith, la première ministre de l’Alberta va, ce jour-là, se parer de notre étendard, symbole de l’unité canadienne ? J’en doute. Elle préfèrera attendre la journée fériée du 19, consacrée à la famille. Elle sera alors dans son élément puisqu’elle affectionne les querelles après les avoir indûment provoquées.

Ne pas oublier, le 10 février, de célébrer le nouvel an lunaire chinois. Après l’année du (fort chaud) lapin, nous sauterons à celle du dragon, autre animal du calendrier lunaire chinois. Est-ce précurseur ou signe d’une année incendiaire ? La Chine, qui ne cache pas ses intentions conquérantes, serait-elle tentée d’utiliser cet animal mythique le plus puissant de l’astrologie chinoise, symbolisant le pouvoir, la noblesse et le succès, pour mettre à profit ses ambitions face à Taïwan ? Un dragon draconien ! Il ne manquerait plus que ça.

Petit rappel : le dragon est aussi signe de sagesse. Mon petit doigt me dit que déclencher les hostilités avec Taïwan serait se lancer dans une aventure incertaine dont on peut difficilement mesurer les conséquences. Qui plus est, si les Taïwanais voulaient s’acoquiner avec la république populaire de Chine, ils l’auraient fait clairement savoir lors des dernières élections tenues chez eux. Ce ne fut pas le cas. Dans ces conditions, dragon, bas les pattes. Tiens-toi à carreau. Va te coucher. Allez, au coin. Occupe-toi de tes oignons. Attends de faire place en 2025 à l’année du serpent, cet autre reptile au sang-froid qui cache son jeu mais ne crache pas de feu.

Quant à ceux en passe de célébrer leur anniversaire le 29, sachez que vous n’êtes pas aussi jeunes que vous le pensez. Bon anniversaire quand même.