Une révolution est un changement brusque dans la vie d’une nation. On associe souvent les mouvements révolutionnaires à des périodes chaotiques et violentes. Pourtant, la Révolution tranquille qu’entreprend le Québec en 1960, est un parfait exemple de révolution pacifiste. Ce soulèvement populaire entraînera des changements sociaux drastiques, une brusque rupture entre religion et politique et le fleurissement de l’économie québécoise. En seulement une décennie, le Québec, qui hérite du régime français dans son intime rapport avec la religion catholique, devient officiellement un état laïc. Cette révolution est un tournant dans l’histoire des Canadiens français, elle restera fièrement gravée dans la mémoire collective du peuple québécois.
La Grande Noirceur
À la fin de la deuxième guerre mondiale, malgré la prospérité économique de l’Amérique du Nord, les Canadiens français se voient littéralement marginalisés. L’après- guerre annonce une grande noirceur économique et sociale pour le peuple québécois. Les Canadiens français représentent la majorité de la population de la province du Québec et pourtant peu d’entre eux contrôlent l’économie québécoise. L’économie de cette province dépend beaucoup des investisseurs étrangers, notamment américains, qui exploitent ses ressources naturelles. Jugés comme incompétents par leur caractère latin et catholique, la plupart des Québécois occupent des postes de subalternes. Leur revenu moyen est nettement inférieur à celui de n’importe quel autre groupe ethnique du Canada.
Le premier ministre québécois, Maurice Duplessis, est à la tête d’un régime traditionaliste. Le conservatisme clérical retarde le Québec par rapport aux autres sociétés nord-américaines, et l’omniprésence de l’église catholique l’isole du monde moderne. La grande noirceur rend la révolution tranquille nécessaire et cette révolution entraînera donc le réveil du Québec après une longue hibernation.
« Maîtres chez nous »
« Maîtres chez nous » est le slogan qu’adopte Jean Lesage, candidat aux élections, pour sa campagne. C’est aussi l’un des slogans les plus significatifs de cette révolution car en effet, il indique clairement ce que le peuple québécois cherche à accomplir; se forger une nouvelle identité. Durant cette période révolutionnaire, de nombreuses réformes sont mises en place et ce dans presque tous les domaines.
Avec la révolution tranquille, on assiste à l’effondrement de l’Église catholique. Cette rupture est un premier pas vers la modernité. Et elle ne se fait pas uniquement au niveau politique, la majorité des Québécois délaisse la religion au point que la pratique religieuse au Québec devient la plus faible en Amérique du Nord. Également un des plus grands changements qu’apporte la révolution tranquille est la création du ministère de l’éducation qui prend le contrôle des institutions académiques. Beaucoup d’évêques s’y opposeront car ils jugent que l’éducation chrétienne est mise de côté. Richard Côté, citoyen québécois qui a vécu la révolution tranquille explique les bienfaits d’une telle révolte selon lui : « La révolution tranquille a permis à une majorité de Québécois de ma génération d’avoir accès à l’éducation et ainsi sortir de l’ignorance et obtenir des emplois de plus haut niveau. Le Québec qui était jusque-là dirigé presque uniquement par des anglophones a été pris d’assaut par ces francophones qui ont repris en main leur “pays”».
L’affranchissement de l’em-prise du clergé est pourtant son souvenir le plus marquant. D’autres changements ont lieu, les hôpitaux ne sont plus dirigés par les religieux et de nombreuses réformes vont créer un système d’assurance maladie. Un grand nombre de sociétés privées sont nationalisées, la compagnie d’hydroélectricité, Hydro-Québec, devient alors le moteur de l’économie québécoise. Mais en quoi cette révolution, que l’on compare souvent à mai 68, est-elle si représentative du peuple québécois ? « Je pense que depuis toujours, les Québécois sont pacifiques et que c’est pour cette raison que la révolution a été tranquille. On n’a qu’à se rappeler les deux référendums perdus sur la souveraineté dans les années 1980 et 1990 ; la suite a été aussi bien tranquille et sans aucune violence. Je pense également que la fierté et l’identité québécoises sont nées de cette sortie de ce qu’on appelait à l’époque la grande noirceur », poursuit-t-il. La révolution tranquille est sans doute le fait historique le plus marquant de l’histoire du Québec.