Le Festival international du Film de montagne de Vancouver (VIMFF) propose cette année encore une édition hybride qui se poursuit jusqu’au 27 mars. Le film-documentaire Julia sur la grimpeuse française Julia Chanourdie, du réalisateur qui a foulé le rocher du Stawamus Chief à Squamish et souhaite y revenir, Jocelyn Chavy, dresse le portrait de cette olympienne qui talonne à la fois les hommes sur les voies les plus difficiles au monde et qui désarme sur le même pied les meilleures dans les compétitions internationales.
Il existe deux approches de l’escalade : l’escalade traditionnelle, sans doute la plus connue, et l’escalade de bloc, plus récente et généralement pratiquée en salle. Celle-ci est devenue discipline olympique en 2020 sous forme de combiné. Les deux comportent un système de cotation indiquant les différents niveaux de difficulté. Les plus accessibles sont équivalents à « juste mettre les mains », c’est-à-dire sans engagement, technicité ou effort physique notable. Les plus difficiles en revanche sont équivalents à ascendre une « planche à savon » avec des prises aussi larges et accueillantes qu’une lame de couteau. En passant en mars 2020 une voie cotée du plus haut niveau de difficulté en escalade, la troisième femme seulement au monde à avoir accompli ce haut fait, Julia Chanourdie est entrée dans l’histoire de la discipline.
Une grimpeuse hors du commun
« Quand vous voyez quelqu’un grimper plusieurs fois la section la plus dure d’un 9a (N.D.L.R. : système français, 9 étant le niveau le plus difficile), tout ça pour des images, vous comprenez que vous êtes devant quelqu’un d’exceptionnel, qui est l’une des meilleures grimpeuses du monde. » Jocelyn Chavy raconte avoir rencontré la jeune femme alors âgée de 21 ans pour la première fois en 2017, à sa demande, pour des prises d’images. Et de l’avoir ensuite suivie ponctuellement, période à laquelle l’idée du film est en partie née. « Après cette première prise de photos en 2017 j’ai continué en filmant et en croyant en elle, dans l’idée qu’elle était, qu’elle est une athlète, une grimpeuse hors du commun. Pourquoi ? Eh bien ! parce qu’à chaque fois que je la filmais, elle me semblait se dépasser sans toutefois paraître toucher ses limites. » Le photographe-caméraman a ensuite travaillé avec le réalisateur Hugo Clouzeau sur les trois ans de rush.
Il s’agit d’ailleurs du premier documentaire pour le premier. Il retrace d’abord avoir été fasciné par Patrick Edlinger, la première « star » du microcosme et avoir été influencé par le film sur celui-ci sorti en 1983 de Jean-Pierre Janssen « La vie au bout des doigts ».
Ce n’est cependant qu’à la faveur de cette rencontre avec Julia Chanourdie qu’est venue à Jocelyn Chavy l’envie de « faire un film d’escalade, non pas axé uniquement sur la performance – même si ce que grimpe Julia Chanourdie est extrême – mais aussi sur sa personnalité ». Et d’ajouter : « Et quelqu’un de gentil, de sympathique, en plus ! » Le nombre de femmes à ce niveau étant bien moindre que chez les hommes, il indique cependant ne pas avoir voulu faire un film sur le sport féminin pour autant, ou leur donner de la visibilité en particulier, ce n’était « pas un choix délibéré. Et puis pour moi c’est un film aussi sur la relation père-fille, équilibrée et juste, fascinante
aussi, qu’il me plaisait de filmer. »
La famille, filet de sécurité et entraîneur de performance
Le film alterne entre des questions-réponses avec l’athlète ainsi qu’avec son père et son compagnon, grimpeurs également, pour le regard extérieur. « Julia est quelqu’un qui vit avec sa tribu, son père, qui l’aide et la conseille tout en gardant ses distances. » Il voulait également revenir sur « son enfance, sa tribu familiale qui ne vit que pour l’escalade “outdoor” » dit l’observateur de cet univers familial à la force aussi simple que fondatrice. Des images d’archives et personnelles viennent compléter les propos.
La facilité avec laquelle elle est en mouvement sur ces aplombs, ces toboggans aux aspérités aussi rares que le dahu, cet animal imaginaire des montagnes des Alpes, est déroutante. Preuve en est lorsqu’elle évolue telle une ballerine le long d’une paroi de très haut niveau, et qu’elle le fait… en claquettes … « Tellement pas de respect » peut-on entendre dire un camarade de grimpe sur le ton de la plaisanterie en arrière-fond dans cette séquence qui donne le tournis. L’image d’un martinet vient également en tête : un oiseau aérien et qui peut passer 200 jours sans se poser tant la fatigue ne semble l’atteindre. La technicité folle de ces mouvements opposée à cette facilité immodérée est compréhensible de tout spectateur, même pour les novices en escalade : les prises de vue de Jocelyn Chavy amènent le spectateur au plus près de l’action.
Le film alterne également entre les périodes de compétition et celles de sorties en falaise loin de la résine, où elle y établit des records. Le contraste est saisissant entre les deux bien qu’un point commun se dégage clairement : l’intensité. Tournée vers la volonté de gagner d’une part, empreinte de légèreté et de sérénité pour profiter à plein du moment présent pour la seconde. Julia Chanourdie compétitrice et Julia Chanourdie grimpeuse en extérieur : c’est le même engagement total, la même passion identique qui met à bas la croyance répandue que ces deux aspects sont mutuellement exclusifs.
“Julia” une rencontre à ne pas louper sur les écrans avant le 27 mars. Programme complet du VIMFF et billetterie sur le site https://vimff.org/
Pingback: Erratum | La Source | Vol 22, No 16 - 8 au 22 mars 2022