En marge du référendum historique sur les droits des peuples autochtones de l’Australie, qui se tient à mla mi-octobre 2023, nous avons recueilli les propos et les réflexions d’un observateur averti de la situation des peuples autochtones en Australie et au Canada. Ce référendum vise à reconnaître l’existence des aborigènes dans la constitution australienne et à leur donner une voix au Parlement. Au cours des dernières semaines en Australie, il y a eu les arguments pour et contre l’adoption d’un amendement constitutionnel pour reconnaître l’existence des aborigènes en Australie. Ce débat est loin de se faire en vase clos et suscite de l’intérêt au Canada.
Dernière minute (16-10-2023) : Après le dépouillement de 80% des votes exprimés lors du référendum australien visant à reconnaître la présence des aborigènes au sein de la constitution australienne, il s’avère que 61% des électeurs ont voté Non à cette proposition, contre 39% qui ont voté OUI. Il s’agit d’une cuisante défaite pour le parti travailliste (Labor Party), au pouvoir en Australie, et d’une amère déception pour la population aborigène de l’Australie, qui compte près d’un million d’habitants qui vivent sur ce territoire depuis des temps immémoriaux.
Marc Béliveau
IJL – Réseau Presse – Journal La Source
Personnage respecté au sein de la communauté autochtone, M. Patrick Kelly dirige une entreprise de services conseils et il est membre de la Première Nation Leq:amel (Nation Sto:lo). Il a été élu représentant pour les négociations de traités, rôle qu’il a occupé de 1998 à 2001. Il a cumulé plusieurs postes de haut niveau, au sein du gouvernement du Canada et de BC Hydro, y compris un mandat de cinq ans à titre de conseiller du lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique.
Il y a quelques années, le gouvernement australien a fait appel à son expertise pour examiner et proposer des améliorations dans la gestion de divers programmes sociaux et économiques destinés à la population aborigène, représentant près de 4 % de la population totale de l’Australie.
L’entretien a eu lieu quelques jours avant la date du résultat du référendum historique, tenu du 14 octobre 2023, et de la date de publication du journal La Source.
Comment percevez-vous ce référendum sur la reconnaissance des droits des aborigènes en Australie ?
Je pense que c’est le signe d’une plus grande opportunité, car l’histoire des relations avec les autochtones en Australie ressemble beaucoup à celle du Canada, des États-Unis et de nombreux pays colonisés dans le monde.
Si vous regardez les indicateurs de bien-être de la vie des peuples autochtones en Australie, vous constaterez qu’ils comptent probablement le plus grand nombre de sans-abri et le plus grand nombre de personnes souffrant de mauvaises conditions médicales et d’une faible participation par rapport aux autres établissements d’enseignement australiens.
Cela fait environ huit générations que la couronne britannique a pris la responsabilité de l’Australie et de ses peuples autochtones. Depuis huit générations, le bien-être en pâtit. Je pense que c’est l’occasion pour le gouvernement australien d’essayer de changer les relations de manière positive afin de montrer du respect envers les peuples autochtones, et de ne plus les considérer comme des sujets d’un processus de colonisation.
Recourir à un référendum serait-il un moyen plus rapide pour obtenir la reconnaissance des droits ?
Le Canada est le seul pays au monde qui reconnaît réellement les peuples autochtones dans sa constitution. Les États-Unis ne le font pas, ni la Grande-Bretagne, ni aucun pays d’Europe, ni le Japon, ni la Nouvelle-Zélande – malgré un accord spécifique datant de 1800. Il est intéressant de noter qu’en 1982, il y avait beaucoup d’inquiétude – « Oh mon Dieu, les Indiens auront certains droits, et ils piétineront les droits des autres ». Mais en fait, cela ne s’est jamais produit. Je pense que beaucoup d’alarmistes, à cette époque et aujourd’hui en Australie, craignaient que la reconnaissance d’un droit dans la constitution signifie une diminution des droits de la population.
Au Canada, ce que nous constatons, c’est que la reconnaissance de la participation des peuples autochtones à la société a aidé et a créé des relations positives avec tout le monde.
Je pense que l’accord constitutionnel, tout ce qu’il a réellement fait a été de permettre l’établissement de relations respectueuses, et imaginer que si cela avait été fait il y a huit générations, nous aurions un pays complètement différent.
S’il devait y avoir la défaite du référendum, comme l’indiquent les récents sondages, quelles conséquences sont à prévoir?
Je pense qu’en réalité, cela ne ramène pas les gens plus loin d’où ils se trouvent actuellement. Ils ont eu huit générations de colonisation. Pour les aborigènes et le peuple australien, la question demeure : comment améliorer leurs relations respectives pour aller plus loin ? En somme, pour faire échouer un référendum de cette nature, personne n’en ressort gagnant.
Y aurait-il une façon de s’y prendre différemment?
L’un des éléments critiques additionnels, à mon avis, est la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2007. L’Australie et la Nouvelle-Zélande l’ont adoptée en 2009 et 2010, je crois. Cependant, ils ne l’ont pas adoptée comme force de loi.
Par ailleurs, le Canada a mis en vigueur la Déclaration, devenue une loi fédérale en 2021, tout comme la Colombie-Britannique l’a fait en 2019. Pour les aborigènes de l’Australie, ils souhaitent eux aussi faire part de leurs réflexions sur la façon dont les programmes et les services pouvaient être mieux dispensés. Toutefois, pour faire un pas dans la bonne direction, il y a beaucoup d’apprentissages à faire et d’apprentissages croisés également.