Il est grand temps pour moi de revenir au bercail. La guerre en Ukraine et celle à Gaza ainsi que toute l’activité politique internationale m’ont fait oublier qu’il se passait aussi des choses au Canada et plus particulièrement chez nous en Colombie-Britannique où la politique provinciale peut souvent sembler fade, insipide, démunie d’intérêt.
Qu’à cela ne tienne et n’en déplaise aux détracteurs, il se passe dernièrement des choses fort intéressantes ici dans notre « Magnifique Colombie-Britannique » qu’on ne peut facilement passer sous silence. Nous sommes, ne l’oublions pas, à quelques mois des élections générales provinciales prévues pour le 19 octobre de cette année. J’ai de la peine à croire que nous en sommes déjà là.
Toujours est-il que ces élections provinciales approchent à grands pas et rien ne m’indique, pour le moment, qu’effectivement elles auront lieu. Pas de panneaux d’affichage. Aucun signe sur les pelouses des maisons unifamiliales. Nulle pancarte partisane. Que se passe-t-il ? Le poste de député n’intéresserait personne ? La vie à Victoria ne vaudrait plus le déplacement ? Est-ce que les élections ont été reportées et personne ne nous en a fait part ? Est-ce que les imprimeurs d’affiches seraient en grève ? Toutes des hypothèses à ne pas écarter.
L’activité électorale en fait se déroule ailleurs. Elle a lieu principalement au cœur de la droite conservatrice où tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Depuis plusieurs mois déjà nous sommes les témoins d’une guerre fratricide au sein des rangs conservateurs britanno-colombiens. Si vous aimez les querelles de famille, les intrigues, estimez-vous servis. Un combat de coqs, entre ténors conservateurs provinciaux, nous est offert en spectacle sous la bannière alléchante et au titre évocateur : César et Brutus, le parti pris.
Rappelons les faits. Au mois d’août 2022, John Rustad, alors député du Parti libéral de la Colombie-Britannique, est évincé du caucus de son parti après avoir prétendu sur les réseaux sociaux que les émissions de dioxyde de carbone n’étaient pas responsables des changements climatiques. Une hérésie difficilement pardonnable, croit-on comprendre. Suite à cela, pas pour un sou désarçonné, en mars 2023, John Rustad rejoint les rangs du Parti conservateur de la Colombie-Britannique pour en devenir le chef un mois plus tard. Sous son égide, le parti, classé moribond jusqu’alors, renaît de ses cendres et, depuis, a le vent en poupe. À droite, dès lors, le renégat devient le bon gars. Il bénéficie surtout de l’amalgame que l’on puisse faire avec le parti conservateur du Canada de Pierre Poilievre. Ce dernier jouissant d’une forte popularité dans les sondages au détriment de Justin Trudeau, l’actuel premier ministre.
Entre-temps, en mai 2023, sous l’impulsion de son chef Kevin Falcon, le Parti libéral de la Colombie-Britannique, craignant d’être confondu avec le Parti libéral du Canada, impopulaire dans les sondages, décide de changer de nom et devient BC United (Uni pour la Colombie-Britannique). Décision équivoque, même malheureuse à la lumière des faits. Depuis, en effet, le navire BC United connaît quelques avaries. À ce jour déjà, trois membres du BC United se sont jetés par-dessus bord et ont rejoint à grande brassée le Parti conservateur de la C.B. où Mr. Rustad, maintenant chef de file, les a accueillis à bras ouverts, serviettes de bain en mains.
De son initiative, changer le nom du parti, Kevin Falcon doit s’en mordre les doigts et se ronger les ongles s’il lui en reste encore. Son Parti uni se désunit. Mais, cela devrait le rassurer, tous les rats, pour le moment, n’ont pas quitté le navire. Il lui reste encore quelques matelots. D’ici les élections provinciales il se promet de colmater les brèches sentant que son bateau ivre de possible conquête, par manque de réflexion et n’ayant pas fait preuve de vigilance, se dirige tout droit vers un iceberg. Pauvre Colombie-Titanic. Il aurait dû savoir : comme les trains, un conservateur peut en cacher un autre tout aussi dangereux, sinon plus.
De l’autre côté, en face, à l’opposé, les néo-démocrates continuent leur petit bonhomme de chemin comme si de rien n’était. Bien installés chez eux ils ne peuvent qu’apprécier et jouir du spectacle d’une droite tourmentée, déchirée, qui leur est offert. Une situation rêvée à priori. Principaux bénéficiaires de cette chamaille qui vire de plus en plus en une lutte dont pour le moment il est impossible de connaître l’issue, David Eby, le premier ministre de la C.B. et ses néo-démocrates ne devraient pas pour autant s’endormir sur leurs lauriers. Si la droite est fractionnée pour l’instant, rien ne nous dit que les deux frères ennemis ne puissent se réconcilier et trouver un accord d’ici la tenue des élections.
La droite divisée, par contre, permettrait à David Eby et sa troupe de régner quelques années de plus. Pour la suite, rendez-vous le 19 octobre.