Une exposition sur les pratiques discriminatoires du Canada envers les immigrants chinois il y a 100 ans

Les descendants des familles chinoises du Canada, particulièrement sur la côte Ouest, conservent des souvenirs douloureux du traitement infligé à leurs ancêtres. Le Canada a longtemps restreint l’immigration chinoise, notamment par une loi adoptée en 1923 qui l’a pratiquement interdite jusqu’en 1947. Depuis le 1er juillet 2023, une exposition commémorant le centenaire de cet événement a attiré près de trente mille visiteurs aux Musées Canadiens Chinois de Vancouver et de Victoria.

Marc Béliveau – IJL-Réseau.Presse – Journal La Source

La Colombie-Britannique a rejoint la Confédération canadienne en 1871 avec la promesse d’avoir accès à un chemin de fer national reliant les deux océans. Pour réaliser ce projet colossal, 17 000 travailleurs chinois sont venus au Canada entre 1881 et 1884. Il s’agissait d’une main-d’œuvre presque exclusivement masculine, leur permettant d’envoyer un soutien financier à leur famille restée en Chine.

Taxe d’entrée au Canada

Dès 1885, une fois ce mégaprojet d’infrastructure achevé, le Canada a cherché à décourager l’immigration chinoise. Il a donc imposé, pour la première fois, une taxe d’entrée à un groupe spécifique d’immigrants. La taxe initiale était de 50 $ par immigrant. Ce montant est ensuite passé à 100 $ en 1900 et à 500 $ en 1903.

Elwin Xie, l’un des guides au Musée sino-canadien / Canadian Chinese Museum de Vancouver | Crédit photo:  Marc Béliveau

L’exposition « Paper trail to the 1923 Chinese Exclusion Act » relate cette période avec des documents historiques à l’appui. L’un des guides de cette exposition, Elwin Xie, se sent privilégié de partager une partie de l’histoire de sa famille. « C’est une façon de leur rendre hommage, malgré toutes les souffrances qu’ils ont dû affronter », affirme-t-il.

Il souligne que « l’imposition de cette taxe a eu un effet dévastateur pour les travailleurs chinois qui espéraient faire venir leur famille au Canada. Plusieurs n’en avaient pas les moyens, tandis que d’autres s’étaient refait une vie de famille au Canada ».

Le pire était à venir avec l’adoption, en 1923, de la loi sur l’exclusion de l’immigration chinoise au Canada, qui restera en vigueur jusqu’en 1947.

Une exposition visuellement saisissante

Cette exposition, visuellement très stimulante, permet au public d’examiner de près (de près/éliminer) les certificats d’immigration de 600 immigrants. Initiée en 2019 par la commissaire indépendante Catherine Clément, elle a lancé une campagne nationale invitant de nombreuses familles sino-canadiennes à partager des photos de leurs collections familiales privées contenant des certificats d’immigration chinoise. Les certificats C.I. originaux ont été identifiés, empruntés, numérisés et restitués aux familles, tout en aidant les membres à interpréter les documents. L’histoire familiale a également été recueillie comme contexte important pour comprendre les documents et se souvenir des personnes concernées.

L’exposition réunie plus de 400 certificats/documents d’identité C.I., soit le plus grand nombre jamais montré publiquement en une seule fois | Photo crédit: Marc Béliveau

Toutefois, raconte  Catherine Clément, son plus grand défi aura été la réticence des familles sino-canadiennes à partager leurs souvenirs douloureux liés à la Loi sur l’exclusion des Chinois. Cela l’a obligée à mener des recherches approfondies dans des sources alternatives. L’examen minutieux de milliers de documents d’archives a été nécessaire pour identifier les plus pertinents, tout en relevant le défi de relier ces documents officiels aux histoires personnelles des familles. Ces défis soulignent la complexité de son travail pour mettre en lumière l’impact profond de cette loi sur la communauté sino-canadienne.

La visite de l’exposition

Les visiteurs peuvent examiner de près des dizaines de certificats, certains comportant des photos et d’autres seulement des noms. Selon le guide Elwin Xie, « ce n’est qu’en 1912 que le gouvernement canadien a ajouté les photos sur les certificats. Quant aux certificats de diverses couleurs, ils indiquent que, dans certains cas, il y avait des exceptions de taxe pour les notables, les commerçants et leurs familles ».

Le guide Elwin Xie retrace l’histoire de Mui Tsai, une immigrante chinoise dont le parcours reflète l’expérience vécue par sa grand-mère. | Crédit photo:  Marc Béliveau

Par ailleurs, dans une salle attenante, on présente le récit typique de huit personnes d’origine chinoise. L’histoire de l’une d’elles est semblable à celle de la grand-mère d’Elwin Xie, qui ajoute sa photo lors de sa présentation. Il ne s’étonne plus de trouver chaque jour une personne qui affirme que le récit est également celui de sa grand-mère. Cela réjouit Elwin Xie qui y trouve une communauté de gens partageant les mêmes souvenirs. Les visiteurs viennent de diverses régions du Canada et des États-Unis.

Excuses officielles du gouvernement

Rappelons qu’en 2006, le gouvernement canadien, sous Stephen Harper, a présenté des excuses officielles pour cette politique discriminatoire à l’égard des immigrants chinois, comme l’avait fait en 1988, son prédécesseur, Brian Mulroney, pour l’internement des Canadiens d’origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale. Pour rappel, la ville de Vancouver a aussi exprimé ses excuses officielles le 22 avril 2018 envers la communauté chinoise.

L’exposition se poursuit aux Musées Chinois Canadiens de Vancouver et de Victoria jusqu’à la fin de l’année 2024. Une publication devrait voir le jour l’année suivante.

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